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KAN YAMAKAN, LA MAMOUNIA AU FIL DU TEMPS

KAN YAMAKAN, LA MAMOUNIA AU FIL DU TEMPS

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Au 18ès., un sultan offre à son fils, un jardin qu’on disait plein de grâce. Les années passent et les pierres changent de nom. Aujourd’hui, on l’appelle La Mamounia. Majorelle y a laissé sa palette, Churchill ses pensées, Chaplin ses pas et McCartney quelques notes. Installez-vous, le récit peut commencer.


On est en 1723. Moulay Mamoun vient de se marier. Pour l’occasion, son père, le sultan Mohammed ben Abdallah, lui offre1 un vaste domaine aux portes de Marrakech. 13 hectares de palmiers, d’orangers et d’oliviers. Un jardin pensé pour le plaisir, l’échange et l’élégance. À la tombée du jour, les allées s’illuminent de milliers de bougies. On déroule les tapis, on installe les poufs, la musique andalouse s’élève entre les arbres. Poètes, musiciens, savants et diplomates se croisent autour de ce que la cuisine marocaine a de plus généreux. On vient de loin pour participer à ces festins. Dans cette effervescence raffinée, on perçoit déjà les prémices de ce que La Mamounia incarnera plus tard : un lieu de passage, d’art et de rencontre.

Les années passent, le jardin traverse les époques.
Deux siècles plus tard, le palais change de main…

Il devient La Mamounia.

En 1923, sous les plans d’Henri Prost et d’Antoine Marchisio, l’ancien verger est transformé, sans être effacé. Les allées sont conservées, les bassins valorisés et les zelliges posés à la main. Le style arabo-andalou rencontre l’art déco dans un équilibre rare. la Compagnie des Chemins de Fer du Maroc transforme l’endroit en palace et lui donne un nom. Celui du prince.

Dès son ouverture, La Mamounia devient le repère de la noblesse marocaine, des icônes du cinéma et des grands de ce monde.


Churchill, de Gaulle, Roosevelt…


En janvier 1943, lors de la conférence de Casablanca, Winston Churchill et Franklin D. Roosevelt définissent les grandes orientations de la guerre. Un soir, Churchill glisse à Roosevelt : « Vous n’avez pas vu Marrakech ? C’est le plus bel endroit au monde». Depuis la terrasse de La Mamounia, ils assistent à un coucher de soleil. Churchill en saisit l’instant sur toile qu’il offrira plus tard à Roosevelt.

Au bar de La Mamounia, la légende raconte que Churchill y laissa une note de 100 000 dollars. Un record. Peu après, il suggère à Charles de Gaulle d’y prolonger son séjour. Apprenant l’arrivée du général à la stature imposante (1,96m), le directeur de la Mamounia fit commander en urgence un lit sur mesure. Un geste d’hospitalité devenu légendaire.

Le bar Churchill à La Mamounia, hommage au Premier ministre britannique Winston Churchill.
Le Churchill rend hommage à l’un des plus illustres hôtes de La Mamounia : le Premier ministre britannique Winston Churchill.

Une couleur pour mémoire


Alors que Churchill s’éloigne de la scène politique, une autre figure artistique s’invite à La Mamounia. Jacques Majorelle, fasciné par Marrakech, intervient dans l’un des premiers espaces à décorer : le restaurant. Il y installe ses bleus profonds, ses contrastes subtils et compose une ambiance moderne mais enracinée, loin des clichés orientalistes.

La suite Majorelle de La Mamounia, inspirée par l’univers du peintre Jacques Majorelle.
Aujourd’hui, la suite Majorelle rend hommage à cette vision. Dès l’entrée, son portrait accueille les visiteurs.

Le souffle des légendes


Dans les décennies qui suivent la guerre, La Mamounia devient l’escale préférée de nombreux chefs d’État. Nelson Mandela, Ronald Reagan, Jacques Chirac, Helmut Kohl, Desmond Tutu… Tous ont traversé ses couloirs, entre négociations, silences et confidences feutrées.

En 1955, Charlie Chaplin s’y installe quelques jours. Dans ses mémoires, il décrit les jardins comme un « paradis secret ». L’année suivante, Alfred Hitchcock tourne L’Homme qui en savait trop, utilisant les salons et les fontaines du palace comme toile de fond d’un thriller mondial.2

Dans les années 60, les légendes de la musique s’y arrêtent à leur tour. Les Rolling Stones passent par là, Crosby, Stills, Nash & Young composent Marrakech Express, et en 1973, Paul McCartney écrit Mamunia, peu après un séjour à l’hôtel. Un titre pour un lieu qui inspire, qui imprime. Jacques Brel a dit : « La Mamounia reste toujours le rêve civilisé que l’on souhaite croiser plus souvent. »


La Renaissance, version Mamounia


En 2009, La Mamounia ferme ses portes pendant trois ans. C’est la première grande transformation du palace. Le décorateur Jacques Garcia est appelé pour réinventer les lieux. Sans trahir l’histoire3, il intensifie les contrastes, joue avec les matières et fait dialoguer les époques. Le résultat est somptueux4. Tandis que la réouverture attire les regards de la presse internationale, le FIFM réaffirme La Mamounia comme un mythe hôtelier en y faisant régulièrement défiler ses invités. On se souvient encore de Francis Ford Coppola aux fourneaux de La Mamounia, préparant des spaghettis tomate basilic pour les 100 convives de la soirée Dior.

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Une lumière pour un siècle nouveau


En 2020, La Mamounia tourne une nouvelle page. Le studio parisien Jouin Manku est appelé pour revoir les espaces communs, les restaurants, les salons. Leur mission : moderniser sans dénaturer. Résultat ? Des volumes plus aérés, des matières mises en valeur, une circulation plus fluide. La galerie retrouve de l’allure, les détails gagnent en relief.

Côté cuisine aussi, changement de tempo. La carte est confiée à deux pointures : Pierre Hermé et Jean-Georges Vongerichten. Ensemble, ils signent une expérience qui mêle maîtrise et créativité. Tout est pensé, mais rien ne semble figé. C’est raffiné, c’est vivant. En 2023, La Grande Dame fête son centenaire. La soirée réunit Mika, Marisa Berenson, Nieves Álvarez, Cécilia Ciganer-Albéniz… Sofiane Pamart ouvre le dîner de gala au piano. Les bénéfices sont reversés aux victimes du tremblement de terre.

Pièce maîtresse du hall, la Lanterne du Centenaire fusionne artisanat marocain et design contemporain.

À cette occasion, une œuvre centrale est dévoilée dans le hall : la Lanterne du Centenaire. Sculptée à la main par plus de 300 artisans marocains, elle fusionne les époques, les savoir-faire et les récits. C’est une pièce manifeste, pensée pour illuminer encore un siècle à venir.


Et puis il y a des visages


Ce renouveau s’écrit aussi grâce à celles et ceux qui veillent chaque jour sur l’esprit du lieu. À commencer par Pierre Jochem qui décrit ses équipes comme une famille. Denys Courtier et Lamia El-Ghorfi font vivre La Mamounia avec une exigence discrète, une générosité rare et un attachement sincère. Et eux aussi font partie de son histoire.

Pierre Jochem, Denys Courtier et Lamia El-Ghorfi dans les jardins de La Mamounia, figures clés de l’équipe dirigeante du palace.

Et au seuil…


Il y a le Bawab. Présent dès l’entrée, silhouette familière dans son costume rouge, il fait partie du lieu autant que ses jardins et ses zelliges. Il incarne un geste, une mémoire, une manière d’accueillir. Un siècle plus tard, son image devient figurine. Comme un clin d’œil à tout ce que La Mamounia ne dit pas, mais que chacun emporte en partant.


En notes et en images

  1. Chaque fils du sultan recevait un domaine en cadeau de mariage et Arsat Al Mamoun revenait au prince Mamoun, ↩︎
  2. Jean Tissier – Alerte au Sud (1953) Film d’espionnage tourné partiellement à La Mamounia, avec Eric von Stroheim. L’un des premiers tournages à intégrer le palace dans un décor fictionnel. Werner Herzog – Queen of the Desert (2015) Tourné avec Nicole Kidman, certaines scènes capturent les jardins du palace. Herzog y cherchait « une lumière suspendue, presque irréelle ». ↩︎
  3. En 2014, l’hôtel orchestre la première exposition marocaine des toiles de Churchill aux côtés des œuvres d’Hassan El Glaoui, mariage inattendu de deux visions artistiques (dafbeirut.org). Huit œuvres de Churchill et dix-sept de Glaoui ont été présentées, dont la plupart n’avaient jamais été exposées au Maroc. C’était également la première fois que les peintures de Churchill se trouvaient aux côtés d’autres artistes au Maroc. ↩︎
  4. La soirée d’inauguration réunit un casting international, reflet du monde qui regarde Marrakech. Gwyneth Paltrow, Jennifer Aniston, Juliette Binoche, Salma Hayek… tous répondent à l’invitation. Le couple Orlando Bloom et Miranda Kerr y célèbre Thanksgiving. ↩︎
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Rédactrice en Chef à  | kdinia@gmail.com |  Plus de publications

Journaliste lifestyle, passionnée par l’histoire, le voyage et l'automobile, Khadija Dinia explore le monde à travers ses routes, ses hôtels et ses visages, toujours en quête de sens. Première femme à présider le COTY Maroc (Car of the Year), elle raconte le Maroc dans sa beauté, avec la conviction que savoir d’où l’on vient aide à mieux comprendre ce que l’on devient.

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