Avez-vous entendu parler du Coran de Cordoue ? Découvrez l’histoire captivante de ce manuscrit précieux, symbole de gloire et de pouvoir, qui a traversé des siècles et des dynasties, depuis sa création par le calife Othman Ben Affan.
Un jour, un marchand d’Azemmour nommé Abû ‘Alî al-Hasan ben Gumâ fut mandaté pour acquérir un livre précieux des mains des Portugais au nom du Sultan de Fès, Abou Al Hassan le Mérinide. C’était en l’an 1344 de notre ère. Après de longues et difficiles négociations, il parvint à ses fins, au coût exorbitant de 1.000 dinars d’or.
Ce codex inestimable avait autrefois enflammé les passions dans le monde musulman occidental, car on disait que son détenteur serait assuré de gloire et de prospérité. Il s’agissait ni plus ni moins que du célèbre Coran de Cordoue.
OTHMAN ET LA CRÉATION DU CORAN UNIFIÉ
L’histoire débute à Médine, où Othman, le troisième des califes Rashidoun (« bien guidés »), successeurs du Prophète, prit la décision de brûler les textes qui rivalisaient encore avec le corpus qu’il cherchait à établir, usant de son autorité, sur l’ensemble des territoires musulmans. D’après les récits de l’histoire islamique, Othman aurait transcrit de sa main, ou fait copier, entre quatre et six exemplaires du Coran et les aurait envoyés dans les principales capitales de l’époque : Kûfa, Basra, Damas et la Mecque.
DE DAMAS JUSQU’À AL-ANDALUS
Othman fut assassiné en 656, dans sa demeure de Médine, alors qu’il lisait un de ces Corans, qui aurait été taché de son sang. Lorsque les califes de Damas, appartenant comme Othman au clan des Omeyyades, furent renversés et tués par les Abbassides à la fin du 8ème siècle, Abd al-Rahmân, l’unique prince Omeyyade ayant survécu à ce massacre, s’empara de l’exemplaire du Codex coranique de Damas. Il réussit à fuir vers le Maghreb, puis à Al-Andalus, où il s’imposa au détriment des gouverneurs alliés à la nouvelle dynastie califale.
LE CALIFAT OMEYYADE ET LA VÉNÉRATION DU CORAN
Précieusement conservé à Cordoue, ce volume important reçut de multiples attentions, particulièrement durant le califat Omeyyade de Cordoue, qui s’étendit de 929 à 1031. À cette époque, le célèbre Codex était présenté à la population chaque vendredi matin, après la prière de Subh, lors d’une cérémonie spéciale. Un homme portant un cierge le précédait, tandis que deux esclaves le portaient sur un pupitre élevé. Un lecteur s’approchait alors pour lire un Hizb (un chapitre), après quoi le Codex était replacé dans une grande armoire qui lui était réservée, située dans la Maqsûra (l’espace réservé au calife), près du Mihrâb de la Grande Mosquée de Cordoue.
LA NOUVELLE ÈRE DU CORAN DE CORDOUE
De la fin du 9ème siècle jusqu’à Chawwal 552 (novembre 1157), le « Coran de Cordoue » demeura au sein de la Grande Mosquée de la ville capitale. Cependant, une exception se produisit en 961, lors d’une période de travaux sous le règne du calife omeyyade Al-Hakam, durant laquelle le manuscrit fut temporairement entreposé dans la demeure de l’imam de la mosquée. Toutefois, avec l’éclatement de la grande Fitna qui marqua la fin du califat Omeyyade d’Al-Andalus, le Coran de Cordoue fut relégué au second plan des préoccupations.
SOUS LA GARDE DES ALMOHADES
Le Coran de Cordoue refait surface lors du renversement de la dynastie Almoravide par les nouveaux souverains Almohades du Maghreb. Face aux menaces des princes chrétiens du nord de la péninsule Ibérique, en particulier Alphonse VII de Castille-León, le manuscrit est transféré à la Grande Mosquée de Marrakech en 1158, suite à l’achèvement de la construction de la deuxième Koutoubia. Ce déménagement vise à magnifier le règne du premier calife Almohade, Abdel Moumen Ibn Ali Al Goumi (1130-1162), ainsi que celui de son successeur, Abû Youssouf Yaacoub (1162-1184).
Avec l’arrivée des Almohades, le Coran de Cordoue entre dans une ère où il bénéficie d’une attention particulière de la part des califes. Ils le transportent avec eux dans toutes leurs expéditions, faisant de ce manuscrit un symbole de leur autorité et de leur foi durant leurs conquêtes.
À la fin de l’ère almohade, le fameux Coran trouve sa place dans la mosquée de Tinmâl, aux côtés du Mushaf de l’Imam Al Mahdi Ibn Toumert, le fondateur de la dynastie. Il est conservé dans une chambre supérieure de la mosquée, où se trouve une armoire commune (tâbût) destinée à abriter ces précieuses reliques.
LA CONQUÊTE DE TLEMCEN ET LE SORT DU CORAN
Le Coran de Cordoue demeura sous la garde des Almohades jusqu’à ce que le calife Al-Mu’tadid entreprenne une tentative de conquête de Tlemcen à la fin de l’année 1247. Au cours de cette expédition, Al-Mu’tadid subit une défaite, fut tué, et les Abdalwâdides s’emparèrent du précieux Coran. Ils le conservèrent avec une grande vigilance dans leur trésor (Khizâna), marquant ainsi un nouveau chapitre dans l’histoire mouvementée de ce manuscrit.
Selon l’historien Al-Maqqarï, le Coran de Cordoue resta entre les mains des Abdalwâdides jusqu’à ce que Tlemcen soit conquise par le souverain mérinide, Abu Al Hasan, à la fin du mois de ramadan de l’année 737 de l’Hégire (1337 de notre ère).
LES MÉRINIDES ET LA PROTECTION DU CORAN DE CORDOUE
Sous le règne des Mérinides, le Coran de Cordoue fut utilisé de manière similaire à celle des Almohades. Il continua à être un symbole de légitimité et de pouvoir, accompagnant les souverains dans leurs campagnes et leurs conquêtes, et reflétant la continuité de la tradition islamique dans la région.
Un dignitaire important, le Mu’tadid, était assigné à la tâche de porter et protéger le Coran de Cordoue pendant qu’il accompagnait les armées mérinides en campagne. C’est ainsi que, durant la bataille du Salado en 1340, les Portugais parvinrent à s’emparer du Coran. Après avoir racheté le Codex auprès des Portugais, il fut restitué aux Mérinides. Il continua d’accompagner les armées mérinides pendant un certain temps lors de leurs campagnes. Pour eux, comme pour toutes les autres dynasties précédentes, ce Coran assurait protection et gloire. Il leur conférait également une légitimité souvent recherchée auprès des populations conquises ou alliées.
LA DISPARITION DU CORAN DE CORDOUE
Selon le Kitâb al-istiqsâ’ d’al-Nâsirî, le fameux Coran de Cordoue connut une fin tragique. Il disparut à jamais dans les profondeurs de la mer lors d’une violente tempête, en même temps que le navire qui transportait le Sultan Mérinide Abou Al-Hasan. Le sultan, ayant subi une défaite en Tunisie, était en route pour regagner Tanger en 1348 lorsque le désastre se produisit. Ainsi s’acheva l’histoire mouvementée de ce précieux manuscrit, emporté par les flots de l’histoire et de la mer.
Khadija Dinia, aka Didije est une journaliste influenceuse qui jongle entre papier et digital, en s’inscrivant aux tendances du moment. Elle met sa plume, son regard et son coeur au service du beau, valorisant tout type de contenu.
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