Vous voilà à Marrakech, vos pas vous conduisent dans l’enceinte du Palais Badii. Fermez les yeux et laissez-vous porter par l’histoire de ce palais qui brillait de tout son éclat…
Nous sommes en 1578. Ahmed Al Mansour Addahbi vient de remporter une victoire écrasante contre les Portugais lors de la bataille des Trois Rois. Pour lui, ce triomphe doit laisser une empreinte qui rappellera au monde la puissance de son règne. Pour défier le temps… et l’imagination, il imagine alors un palais destiné à incarner la grandeur, la richesse et l’élégance du Maroc. C’est ainsi que naquit le projet du Palais Badii.
Pendant seize ans, les travaux avancèrent dans une effervescence monumentale, mobilisant tous les artisans du royaume. Un ballet incessant de maîtres-artisans venus d’Italie, d’Espagne, de Turquie et de Tombouctou commença peu à peu à transformer ce rêve en réalité. Des chargements de marbre italien, d’onyx et d’or affluaient par convois pour que chaque mosaïque, chaque colonne et chaque détail suscite l’admiration et rappelle à tous, la puissance des Saâdiens.
Au cœur de cette effervescence, un homme de la cour, respecté pour ses paroles énigmatiques, attira l’attention du sultan. Un soir, alors que les murs du palais s’élevaient, il s’approcha d’Al Mansour et, avec une gravité tranquille, lui glissa :
« Majesté, ce palais, aussi glorieux soit-il, finira en un tas de terre. »
Troublé par ces mots, Al Mansour le fixa sans rien laisser paraître :
« Pourquoi dis-tu cela ? »
Imperturbable, le sage lui expliqua que rien, pas même les monuments les plus majestueux, ne pouvaient défier le passage du temps. Cette prophétie s’imprima en Mansour telle une idée qu’il refusa, mais qui le poursuivit comme une ombre au cœur de son rêve grandiose.
Les jardins commençaient à s’étendre à perte de vue, ornés de fontaines, de bassins et d’arbres fruitiers rafraîchis par un ingénieux système de canalisations qui puisait son eau depuis les montagnes de l’Atlas. Les coupoles s’élevaient, les murs scintillaient d’or et les sols de marbre s’étendaient sur tout le palais. Chaque détail racontait l’histoire d’un souverain visionnaire qui rêvait de faire de Marrakech l’épicentre d’un empire.
Enfin, le Palais El Badii s’acheva, une véritable merveille !
Un soir de fête, illuminé par des milliers de lanternes, musiciens, poètes et dignitaires venus des quatre coins du monde, furent émerveillés par cette œuvre qui semblait défier les lois de l’architecture et de l’art. L’histoire raconte qu’Élizabeth Ière d’Angleterre avait envoyé ses émissaires pour admirer cette splendeur. Pourtant, les mots du sage résonnaient toujours dans l’esprit d’Al Mansour. Pris d’une impulsion, il s’approche du vieil homme et avec un sourire défiant, lui demanda :
« Et maintenant, que penses-tu de ce palais ? Est-ce toujours un simple “tas de terre” ? »
Sans hésitation, le sage répondit :
« Majesté, ce palais éblouira le monde, mais, comme toute chose, il reviendra à la poussière. Seuls votre nom et votre histoire vivront au-delà de lui. »
Après la mort d’Al Mansour en 1603, ses successeurs, aux prises avec des guerres intestines, vendirent les trésors du Palais Badii pour financer leurs batailles. Marbres, or, pierres précieuses, portes sculptées et colonnes majestueuses furent arrachés et dispersés. Ainsi ce palais qui avait tant ébloui se vida peu à peu de ses richesses.
Mais ce qui en reste aujourd’hui continue encore de fasciner. Ses ruines silencieuses baignées de soleil ne sont pas qu’un tas de terre, elles sont les gardiennes d’une grandeur passée, d’une vision qui a défié l’imagination. Elles nous rappellent la profondeur de notre l’histoire mais aussi le rêve impérial d’Al Mansour, dont le nom, comme l’avait prédit le sage, continue encore de résonner au delà des siècles.
Khadija Dinia, aka Didije est une journaliste influenceuse qui jongle entre papier et digital, en s’inscrivant aux tendances du moment. Elle met sa plume, son regard et son coeur au service du beau, valorisant tout type de contenu.
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